26
septembre au 6 octobre 2014
|
Réal dans le vignoble bourguignon |
Après
les bulles de Champagne, nous entrons en Bourgogne, un haut-lieu de
la viticulture française avec ses 101 Appellations d'origine
contrôlées (AOC) et, distinction suprême, 33 Appellations Grands
Crus. La Bourgogne compte cinq régions de production : Chablis,
Côte de Nuits, Côtes de Beaune, Côte chalonnaise et Mâconnais.
Elle produit en moyenne 200 millions de bouteilles par an dont près
de la moitié partent pour l'exportation : 60% de vins blancs,
32% de vins rouges et 8% de crémant de Bourgogne. Deux cépages
principaux, le chardonnay (56%) et le pinot noir (31%) constituent le
vignoble bourguignon qui représente en superficie 3% du vignoble
français.
|
L'Abbaye de Fontenay |
Mais,
comme il se doit, avant d'explorer les vignes bourguignonnes, un
arrêt s'impose à l'Abbaye de Fontenay. Cachée au milieu
d'un vallon verdoyant, on dit de cette abbaye qu'elle donne une
vision exacte de ce qu'était un monastère cistercien vivant en
complète autonomie.
|
Dénudée mais imposante, la nef de l'église abbatiale de Fontenay érigée en 1147 |
Magnifiquement
restaurée, l'abbaye de Fontenay est un chef-d'oeuvre d'art roman.
Fondée par Saint-Bernard en 1118, elle connut une grande prospérité
jusqu'au 16e siècle comptant plus de 300 moines. Puis, ce furent les
guerres de religion et la piètre administration des abbés nommés
par faveur royale qui engendrèrent sa décadence. En 1791, les
révolutionnaires chassèrent les moines et transformèrent les
bâtiments en papeterie! Ce n'est qu'en 1906 que de nouveaux
propriétaires entreprirent de restituer à Fontenay son aspect
initial ce qui lui valut en 1981 son classement au Patrimoine mondial
par l'Unesco.
|
Notre-Dame-de-Fontenay |
L'église
abbatiale, édifiée en 1147, est saisissante de simplicité et de
grandeur à la fois. Ici, pas de sculpture élaborée ou tableaux qui
pourraient distraire le moine de sa prière.
Seuls la décorent une
statue de Notre-Dame de Fontenay (fin 13e s.) dans le transept ainsi
que des tombes (14e s.) et un retable en pierre (13e s.) dans le
choeur. Sa sobriété en impose!
|
Petite pause au cloître de Fontenay |
Le
dortoir des moines est annexé à l'église pour faciliter la
célébration des offices la nuit. Il impressionne par sa puissante
charpente de chêne en forme de coque de bateau renversée. Ici non
plus, pas de décoration, ni d'ameublement, les moines dormaient sur
des paillasses à même le sol.
Quant au cloître, à la fois robuste
et élégant, il incite, comme il se doit, au calme et à la
réflexion.
Adjacents
à l'abbaye, d'autres bâtiments témoignent du travail des moines :
la salle des copies, la bibliothèque, le jardin, la boulangerie, la
cuisine, l'accueil des pèlerins et la forge. Cette dernière, qui
date du 13e siècle, longe un canal utilisé pour actionner les roues
du moulin et du martinet, un grand marteau hydraulique, une
innovation technologique majeure que les cisterciens ont adopté très
tôt pour forger le fer en quantité industrielle. Reconstitué en
2008, avec sa roue à aube qui tourne toujours, ce marteau est le
plus ancien du genre. Fontenay, vraiment une très belle visite, un
site superbe qui mérite largement ses trois étoiles au Michelin.
|
Le Palais des ducs de Bourgogne sur la Place de la Libération |
Dijon,
capitale de la Bourgogne, est bien sûr célèbre pour sa moutarde, mais il y a beaucoup plus que ça à Dijon! Le Palais des ducs de
Bourgogne, dominé par la Tour Philippe-le-Bon, est sans contredit le
monument le plus imposant de la ville. Il abrite aujourd'hui l'Hôtel
de ville et le Musée des Beaux-Arts.
Juste
en face, la vaste Place de la Libération, entièrement piétonne,
offre un beau coup d'oeil sur le Palais, tout beau, tout propre,
vraisemblablement récemment nettoyé et elle incite à une pause
café ensoleillée sur l'une de ses terrasses. Quelle belle entrée
en matière à Dijon!
|
Des tuiles vernissées pour les résidences de prestige |
Ce
qui fait aussi la renommée de Dijon, ce sont ses superbes toits de
tuiles polychromes vernissées. Symbole de prestige, elles apparurent
au 13e s. sur les cathédrales puis sur les résidences princières.
La mode passa mais revint aux 16e et 17e s., lorsque les nobles et
les parlementaires couvrirent le toit de leurs hôtels de riches
parures.
|
Cathédrale St-Benigne de Dijon |
La
cathédrale St-Bénigne (encore un nouveau saint!) est, par
comparaison, beaucoup plus sobre et massive même si elle est
qualifiée de «gothique».
Dépourvue de ses œuvres d'art à la
Révolution, elle accueille aujourd'hui des sculptures et des pierres
tombales provenant d'autres églises de Dijon.
|
Église Notre-Dame |
L'Église
Notre-Dame (1230-1250) est beaucoup plus imposante. Sa façade
monumentale à trois baies est surmontée de deux galeries soulignées
par trois rangées de gargouilles et deux élégantes tourelles.
À
l'intérieur, l'ensemble est harmonieux et finement sculpté. Une
chapelle abrite la statue de Notre-Dame de Bon-Espoir. Cette vierge
du 11e s. est l'une des plus anciennes statues de vierge en bois de
France et elle est particulièrement vénérée parce que le 11
septembre 1513, Dijon, assiégé par les Suisses, fit appel en
désespoir de cause à la Vierge par la procession de la statue. Le
surlendemain, le siège fut levé. Quelque 400 ans plus tard,
toujours un 11 septembre, en 1944, Dijon fut libéré sans dommage de
l'occupation allemande. Une tapisserie, exécutée aux Gobelins et
évoquant les deux libérations de la ville fut offerte à la Vierge
en ex-voto; elle est suspendue dans l'Église Notre-Dame. Le 11
septembre reste un jour de commémoration important à Dijon.
|
Le fameux jacquemart de Notre-Dame de Dijon |
Une
autre singularité de l'église, c'est son jacquemart, l'horloge qui
orne sa tour de droite et sa figurine qui frappe une cloche pour
marquer le temps. Ce jacquemart a une jolie histoire... Prise de
guerre de Philippe Hardi en 1382 à Courtai (Flandres), ce dernier
installe l'horloge sur la tour de l'église. Mais, au fil des ans,
les dijonnais s'apitoient sur le célibat du pauvre homme et, en
1651, on lui adjoint finalement une compagne pour marquer le temps.
En 1714, malgré le fait que les braves époux aient fait le vœu de
chasteté, nait un fils, Jacquelinet, dont le marteau frappe la
dindelle, puis en 1884, une fille, Jacquelinette, qui sonne aussi les
quarts d'heure!
Quant
à la moutarde, c'est vrai qu'on en retrouve une infinie de variété
à Dijon : au cassis, au miel, aux herbes, aux mirabelles, à l'amande, au poivre vert (aye,
ça c'est fort!), au vin blanc, aux échalotes etc. Elles sont toutes
offertes à la dégustation mais disons que c'est plus exigeant pour
les papilles que de déguster du vin! Mais la gastronomie à Dijon ne
se limite pas à la moutarde! Il s'y tient chaque année une Foire
internationale et gastronomique et c'est sur le campus de Dijon que
le Centre européen des «sciences du goût» a élu domicile. Une
nouvelle science bientôt sur nos campus, la science du goût,
pourquoi pas ?
«Si
Dijon reste la capitale administrative et régionale de la Bourgogne,
Beaune en est la capitale viticole. C'est à Beaune qu'on
retrouve les prestigieuses maisons de négociants. Au cœur du
vignoble bourguignon, Beaune est aussi une incomparable ville d'art.
Son splendide Hôtel-Dieu, sa collégiale Notre-Dame et sa ceinture
de remparts, dont les bastions abritent les caves les plus connues de
Bourgogne, constituent l'un des plus beaux ensembles de la région.»
Avec au nord, les vignobles de la Côte de Nuits et au sud, ceux de
la Côte de Beaune, et en plus la ville de Beaune, elle même
magnifique, nous avons eu du pain sur la planche à Beaune! Alternant
balades à moto et découverte de la ville, nous avons fait une belle
halte de 5 jours dans cette région.
|
La Cour d'honneur de l'Hôtel-Dieu de Beaune |
L'édifice le plus prestigieux de la ville, et c'est bien mérité,
est le fameux Hôtel-Dieu, un hôpital fondé en 1443 par le
chancelier de Philippe-le-Bon, Nicolas Rolin, pour accueillir les
malades de toutes conditions; riches ou pauvres, tous étaient
soignés ici gratuitement. La fortune de Nicolas Rolin lui permit la
construction de l'hôpital puis, par la suite, les donations lui
permirent de la faire vivre. D'ailleurs, l'Hôtel-Dieu a accueilli
des malades jusqu'en 1971!
|
La Salle des Pôvres |
L'édifice lui-même est magnifique avec ses toits de tuiles
vernissées et sa cour d'honneur. L'immense salle des malades, la
«salle des pôvres», avec ses 28 lits à colonnes bien alignés de
chaque côté de la salle, de grandes et hautes fenêtres (pour
éliminer les maladies qui flottaient dans l'air), un plafond en
voûte sculpté, une chapelle adjacente qui permettait aux malades de
suivre la messe depuis leurs lits, la pharmacie, la cuisine, toutes
les pièces furent admirablement bien restaurées en 1875.
|
Le polyptyque du Jugement dernier date de 1448 |
Outre le
mobilier, les instruments médicaux (plutôt basiques à l'époque)
et pharmaceutiques, on peut observer de belles tapisseries qui
décoraient les murs ainsi que l'exceptionnel polyptyque du Jugement
dernier réalisé en 1448 qui était placé autrefois au-dessus de
l'hôtel. Le jugement dernier, choix judicieux comme thème pour un
hôpital, n'est-ce-pas? Une fois refermé, le polyptyque affichait
des peintures représentant Nicolas Rolin et son épouse, Guigone de
Salins, question de rappeler aux malades qui étaient leurs
bienfaiteurs... D'ailleurs Nicolas Rolin ne s'en cachait pas, la
construction de cet hôpital visait à assurer son salut.
On l'a dit, l'Hôtel-Dieu a été financé au cours des ans, outre
par la fortune du chancelier Rolin, par des donations de nobles ou du
roi, eux aussi préoccupés par leur salut... Ainsi, l'Hôtel-Dieu
s'est enrichi non seulement monétairement mais aussi de terres et de
vignobles. Aujourd'hui, les vins des Hospices de Beaune, comme on les
appelle, sont parmi les plus réputés et les plus chers. Une fois
l'an, en novembre, une grande vente aux enchères est organisée sous
la halle médiévale. Le produit de ce qu'on a appelé «la plus
grande vente de charité du monde» est toujours consacré è la
modernisation des installations chirurgicales et médicales de
l'hôpital de Beaune. La tradition se perpétue...
Le vignoble de la côte de Nuits, qui s'étend de Dijon à
Beaune, est implanté sur des coteaux formés de calcaires riches en
fossiles. Elle produit presque uniquement de très grands vins rouges
avec le pinot noir comme cépage. Ses crus les plus fameux sont le
chambertin, le musigny, le romanée-conti et le clos-vougeot.
|
Château du Clos de Vougeot |
Le château du Clos de Vougeot est magnifiquement situé au cœur du
vignoble; entouré de vignes, il apparaît, à juste titre, sur toutes les publicités
de la région. Son histoire est aussi intéressante.
Au 12e siècle, ce vignoble est planté par les moines de l'Abbaye de
Citeaux sise à quelques kilomètres de là (la première abbaye
fondée par St-Bernard, le fondateur de Fontenay). Ils l'exploiteront
pendant 600 ans, jusqu'à la révolution... L'État en prendra charge
ensuite pour en confier l'exploitation en 1944 à l'Ordre des
Chevaliers du Tastevin, une confrérie qui vise en premier lieu à
faire connaître les vins bourguignons mais qui est aussi impliquée
dans l'art et la culture. Des chapitres de l'Ordre sont maintenant
actifs à travers le monde et, à chaque année, au château, le grand conseil de
la confrérie décerne une mention aux meilleurs vins bourguignons,
une très haute distinction dans le monde viticole.
Quant à Nuits-St-Georges, c'est une jolie petite ville dont le
vignoble date de l'an 1000. Bien qu'aucun de ses vins ne soit classé
«grand cru», ils sont mondialement connus. Cette célébrité
remonte à Louis XIV; son médecin ayant conseillé au Roi-Soleil de
prendre à chaque repas quelques verres de Nuits, à titre de remède,
toute la cour voulut en goûter.
La côte de Beaune qui s'étend d'Aloxe Corton à Santenay
produit d'abord de grands vins blancs mais aussi d'excellents vins
rouges. Avec ses 28 millions de bouteilles annuellement, c'est le
double de la production de la côte de Nuits. C'est donc un plaisir
que de se balader à travers ces villages et ces vignobles aux noms
évocateurs : Pommard, Corton, Volnay, Meurseault, Montrachet
etc.
|
Château d'Aloxe Corton |
Ici, les vendanges sont terminées mais l'activité y est encore
importante; les hauts tracteurs qui semblent flotter sur les vignes
effectuent des travaux sur le terrain et remplacent quelques plants de
vignes. Les tas de marc (résidu du pressage) déchargés ici et là
en bordure des champs, où ils seront probablement étendus comme
engrais, embaument l'air d'une odeur de raisin fermenté qui n'est
pas désagréable du tout. Nos papilles frétillent, elles attendent
la dégustation qui ne saurait tarder, impossible de résister mais
il faut attendre à la maison, pas question de boire et de faire de
la moto, nous sommes sages...
Le paysage est sublime! Des vignes qui se colorent des teintes de
l'automne et qui dévalent les coteaux en rangs bien alignés, des
châteaux, témoins d'une autre époque, qui surgissent ici et là,
des toits de tuiles vernissées, des petites routes à travers les
vignes, la Bourgogne est à son meilleur et elle nous en met plein la
vue!
|
Église abbatiale St-Philibert à Tournus |
Dernière étape de notre visite en Bourgogne, c'est la ville de Tournus, célèbre pour abriter l'un des plus grands monuments romans de France, l'église abbatiale Saint-Philibert. Plusieurs bâtiments de l'ancien monastère sont parvenus jusqu'à nous tels le cloître, la salle capitulaire, le cellier, le réfectoire etc. La crypte de l'abbatiale abrite le sarcophage de St-Valérien et celui de St-Philibert. La ville de Tournus est aussi remplie d'histoire mais malheureusement un orage y a interrompu notre marche. Cette pluie fut d'ailleurs annonciatrice des grisailles de l'automne, Les températures ont chuté dramatiquement et nous avons essuyé une semaine de pluie. Il nous restait encore de beaux coins à visiter dans la région tels Macon, Cluny et Lyon et de belles balades en moto dans la campagne bourguignonne riche en histoire et en églises romanes mais il a fallu y renoncer, dame nature ne nous le permettant pas. Nous avons patienté une semaine puis nous avons filé vers le sud et la Méditerranée où le soleil nous attendait près de Barcelone. Viva Espana !