17
au 25 septembre 2014
De
retour en France, le camping-car a besoin de nouvelles chaussures et
de nouveaux freins; c'est tout de même 48 000 km que nous avons
parcourus depuis 3 ans (sans compter les 10 000 km de la moto en 2
ans). Et aussi faire faire un contrôle technique annuel exigé par
l'administration française. Une fois ces mises à niveau effectuées,
nous sommes prêts pour découvrir un autre coin de la France, la
Champagne-Ardenne. Excellent «timing», c'est le temps des vendanges
en Champagne et l'automne est magnifique, chaud et ensoleillé,
superbe!
Première
étape, site incontournable, la ville sacrée, Reims. Ville
sacrée car c'est dans la cathédrale de Reims que furent sacrés la
plupart des rois de France, 25 en fait, pendant dix siècles, de 816
à 1825. Cette
tradition origine du fait que c'est à Reims que Saint-Remi, évêque
de Reims, a converti et baptisé Clovis, le roi des Francs, en l'an
496. Mais nous reviendrons à Saint-Remi (oui, Remi sans accent),
parlons d'abord de la Cathédrale Notre-Dame.
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Cathédrale de Reims |
Classée
au patrimoine mondial de l'Unesco, la Cathédrale Notre-Dame de Reims
est renommée dans le monde entier pour son élégance et son
harmonie. Achevée au 14e siècle, elle est considérée comme l'une
des réalisations majeures de l'art gothique en France, tant pour son
architecture que pour sa statuaire qui ne compte pas moins de 2 303
statues! L'emblème de la ville de Reims est d'ailleurs un ange au
sourire énigmatique qui orne le portail gauche de la cathédrale.
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Reims, ville des sacres des rois de France |
La
façade de la cathédrale étant en rénovation lors de notre
passage, nous n'avons pas pu apprécier à sa juste valeur la Galerie
des rois avec au centre le baptême de Clovis ainsi que la statue de
Notre-Dame, à la place d'honneur, en haut du portail principal.
Toutefois, une visite au Palais du Tau, qui est en fait le Musée de
la Cathédrale, compense un peu en nous présentant les versions
originales des plus belles statues de la cathédrale!
Une
intéressante exposition nous présente aussi le déroulement des
cérémonies des sacres des rois de France. Cette cérémonie
religieuse, officiée par l'archevêque de Reims ou parfois même par
le pape, conférait au souverain un caractère sacré, presque divin.
Pour la petite histoire, l'onction du sacre était donnée avec
l'huile de la «Sainte Ampoule». Cette ampoule, conservée à Reims,
contient une huile miraculeuse qui, selon la légende, aurait été
apportée par une colombe descendue du ciel le jour du baptême de
Clovis par l'évêque Remi. Cette ampoule est considérée comme une
grande relique et l'onction faite avec cette huile miraculeuse donnait un très grand prestige aux rois de France.
La
cathédrale de Reims a été qualifiée de «cathédrale martyre»
car elle fut la cible acharnée des bombardements allemands de
1914-1918 qui espéraient ainsi miner le moral des troupes
françaises. Au total, 300 obus ont frappé la cathédrale. De
nombreuses sculptures et vitraux sont réduits en cendres de même
que le toit, les combles et la charpente. À la fin de la guerre,
seule la structure avait résisté et la ville, quant à elle, est
détruite à plus de 60%. Il faudra 20 ans de restauration avant
qu'elle puisse être consacrée de nouveau. La reconstruction a été
permise notamment grâce à des dons américains dont les fondations
Carnegie et Rockefeller.
Enfin,
soulignons qu'à la seconde Guerre mondiale, c'est à Reims que sera
signée la reddition de l'armée allemande le 7 mai 1945 après que
les américains et le général Eisenhower aient libéré la ville.
Le lendemain, à l'initiative de l'Union soviétique, une seconde
signature a lieu à Berlin, c'est alors la capitulation sans
condition du régime allemand.
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Basilique Saint-Remi |
Après
la cathédrale, la Basilique Saint-Remi est le monument religieux le
plus important de la ville. Cette église, dont les premières
fondations remontent à l'an mil, abrite les reliques de l'évêque
de Reims, Saint Remi. De style roman, elle nous a encore plus
impressionnés que la cathédrale. Le tombeau du saint attire depuis
des siècles de nombreux pèlerins et il y règne une ambiance bien
particulière. Moins envahie par les touristes que la cathédrale,
elle est très sombre mais elle révèle toute sa splendeur au fur et
à mesure que les visiteurs font un don de 2 euros qui active le
système d'éclairage, à chacun son tour!
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Les caves de Pommery dans des crayères |
Nos
dévotions faites, on peut maintenant envisager profiter des plaisirs
terrestres et ici, c'est le champagne, bien sûr! Nous débutons par
une visite des caves de Pommery, le second plus important acteur dans
le domaine du champagne. Les caves ouvertes au public sont situées
en plein centre ville de Reims dans des crayères creusées au temps
des romains. Le sous-sol champenois étant largement constitué de
calcaire de craie, c'est un sol facile à creuser et il s'avère
parfait pour les caves de champagne et la culture des champignons.
Les vignerons n'ont eu qu'à creuser des tunnels pour relier entre
elles les nombreuses crayères déjà existantes. À elles seules,
les tunnels et caves de Pommery mis bout à bout font 18 km de long!
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Les installations de Pommery à Reims |
Et
savez-vous à qui on attribue l'invention des bulles de champagne?
Allez, un petit effort, vous connaissez son nom, il est célèbre
dans le monde du champagne! Dom Pérignon bien sûr! Un moine
bénédictin qui, selon la légende, alors qu'il était à la
recherche d'une idée plus esthétique pour boucher les bouteilles
aurait eu l'idée de couler de la cire d'abeille dans les goulots
leur assurant ainsi une parfaite herméticité. À cette époque, à
la fin du 17e siècle, les bouteilles étaient bouchées avec des
chevilles de bois garnies d'étoupe imbibée d'huile. Évidemment,
après quelques semaines, la plupart des bouteilles auraient explosé,
incapables de résister à la pression. Notre moine venait ainsi de
découvrir la fermentation en bouteille et les bulles champenoises.
Le moine aurait aussi inventé le bouchon de liège pour remplacer le
bouchon de bois maintenu au goulot par une ficelle de chanvre, puis
la flûte à champagne. Vraie ou fausse, cette légende? On ne sait
pas mais nous, on l'aime bien!
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C'est le temps des vendanges en Champagne ! |
De
belles balades en moto à travers les vignobles en pleine vendange aux
alentours de Reims nous ont permis de découvrir cette belle région
que nous ne connaissions pas. Ça sent le vin partout! Sur les
routes, les tracteurs s'affairent à transporter les caisses de
raisin vers les pressoirs alors que dans les vignobles, les
vendangeurs sont à l'oeuvre. C'est un travail d'équipe; en
Champagne, les vendanges sont faites manuellement. Le coupeur coupe
les grappes avec un petit sécateur à main, les dépose dans une
caisse de plastique et le porteur ramasse les caisses au fur et à
mesure qu'elles sont pleines, en fournit une vide au coupeur et
transporte la pleine au bout du rang où un tracteur passera les
ramasser. Plusieurs équipes avancent ainsi parallèlement dans les
rangs de vigne. C'est un travail très physique, un bon vendageur
peut récolter de 800 à 1000 kg de raisin par jour. Les raisins
transportés au pressoir sont pesés et aussitôt pressés pour en
extraire le jus. C'est un réel plaisir que de se balader à travers
les vignes et d'observer ce ballet incessant. Ici et là, en bordure
des routes, on remarque de nombreux campements de travailleurs
saisonniers, des roulottes, des camping-cars et même des tentes!
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Un «faux» de Verzy, un hêtre tortillard |
À
la sortie de Reims, nous faisons un arrêt à la forêt de
Verzy
pour aller voir les hêtres tortillards qu'on appelle ici, les «Faux
de Verzy», le mot «fau» désignant le hêtre en ancien français.
Probablement dû à une mutation génétique, ces hêtres qui ne
dépassent pas 4 ou 5 mètres de haut ont des branches tordues qui se
soudent parfois entre elles et qui s'étalent en forme de parasol
vers le sol; on dirait un igloo végétal. Quelques 1000 faux
croissent à Verzy, c'est la plus grande concentration mondiale de
faux et leur présence y est attestée depuis le 6e siècle. Une
abbaye de moines aurait préservé ces arbres et les aurait même
multipliés par marcottage ce qui explique leur nombre et leur
survie. Seuls deux autres sites de faux existent en Europe, l'un en
Allemagne et l'autre en Suède mais ils comptent beaucoup moins de
spécimens. L'origine des Faux demeure un mystère non encore élucidé
mais, chose certaine, ils sont très jolis et souhaitons qu'ils
soient préservés, la nature nous fait encore un beau cadeau!
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Collégiale Notre-Dame-en-Vaux
à Chalons-en-Champagne |
Après
Reims, nous poursuivons vers le sud avec un arrêt à
Chalons-en-Champagne, la capitale du département de la Marne
et de la région Champagne-Ardenne. Bizarre de réaliser que ce n'est
pas Reims qui est la capitale de la région mais plutôt Chalons. Il
semble qu'elle soit devenue capitale par la volonté des
révolutionnaires de 1789 d'effacer l'importance historique de Reims,
la ville des sacres des rois, le dernier en liste ayant été
guillotiné par les révolutionnaires...
Quelle
ne fut pas notre surprise en arrivant à Chalons-en-Champagne de voir
érigée, en plein centre ville, une magnifique statue de Jean Talon,
l'intendant de la Nouvelle-France sous Louis XIV. Jean Talon est en
effet un enfant de Chalons, il y est né en 1626 et y est aussi
inhumé; des restes de sa pierre tombale sont d'ailleurs bien
visibles dans la Collégiale.
Chalons-en-Champagne
est aussi réputée pour accueillir deux sites du Patrimoine mondial
de l'Unesco, la Collégiale Notre-Dame-en-Vaux et la Basilique
Notre-Dame à l'Épine. Oui, encore des églises, ça paraît que
nous sommes revenus en France! Nous avions eu congé d'églises en
Scandinavie cet été mais c'est reparti de plus belle! Les deux
sites en valent la peine, leur inscription à l'Unesco en témoigne.
Notre-Dame-en-Vaux, érigée en 1217, est un grand monument gothique
caractérisé par ses deux flèches couvertes de plomb.
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Basilique Notre-Dame-à-l'Épine |
La
Basilique Notre-Dame à l'Épine quant à elle date du début du 16e
siècle. Elle tire son nom de la dévotion portée à une statue de
la Vierge qui aurait été trouvée par des bergers au Moyen Âge
dans un buisson d'épines enflammé. De style gothique, elle est très
finement sculptée et est décorée de 123 gargouilles représentant le bien et le mal.
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Église à pans de bois à Outines au pays du Der |
Prochaine
étape en Champagne,
Ste-Marie-du-Lac-Nuisement pour y voir
(encore!) des églises mais celles-ci, bien particulières, les
églises à pans de bois du pays du Der, une curiosité
architecturale unique en France. Construites au cours des 16e et 17e
siècles, ces églises à pans de bois et torchis sont typique de
cette régions recouverte de marécage et de forêt. La pierre
manquant pour la construction, on utilise pour les églises, comme
pour les maisons, des structures en chêne dont les vides sont
remplis de torchis, un béton naturel fait d'eau, d'argile et de
fibres (paille, foin, crin de cheval, chaux etc). Des lattes de bois
recouvrent parfois les façades les plus exposées aux vents et à la
pluie pour les protéger. Les villages autour du lac du Der Chantecoq
ont jalousement conservé ce patrimoine architectural et c'est un
bonheur que d'en faire la tournée en moto par une belle journée
d'automne.
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Nombreuses maisons à colombages à Troyes |
Dernière
étape de notre tournée champenoise, la ville de
Troyes, où
coule la Seine, dans le département de l'Aube, tout au sud de la
région Champagne-Ardenne. Une ville magnifique, une agréable
surprise! Malgré les guerres et les incendies, Troyes a pu conserver
un riche patrimoine architectural et urbain, plusieurs maisons à
pans de bois peuplant le quartier historique de Troyes. La célèbre
et très étroite ruelle des Chats donne une bonne idée des rues
médiévales se rétrécissant en hauteur. Cette ruelle devrait son
nom au fait qu'un chat pourrait, d'un seul bond, passer d'un côté à l'autre de la
rue, les maisons se touchant presque au niveau des toits.
L'Hôtel
de ville, la Basilique St-Urbain et la Cathédrale St-Pierre et
St-Paul ne sont que quelques uns des monuments de Troyes. Cette
dernière a connu une construction longue et mouvementée qui a duré
du début du 13e siècle jusqu'au 17e siècle. Les vitraux originaux
datant des 12e, 13e et 14e siècles sont toujours en place; ils n'ont
pas soufferts des deux grandes guerres ayant été démontés et mis
en sécurité durant ces conflits, sage décision...
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Réal est tombé en amour avec... la ville de Troyes ! |
Troyes
est une ville très agréable à visiter. De nombreuses rues
piétonnières, partout des édifices historiques et des œuvres
d'art, telles ces sculptures posées au milieu de la Seine ou ce
grand cœur qui orne une fontaine.
Et
puis, un autre petit clin d'oeil aux cousins québécois, Troyes
souligne que c'est ici que Marguerite Bourgeoys est née en 1620. Vos
cours d'histoire du Canada vous ont sûrement enseigné qu'elle fonda
à Montréal une communauté religieuse dédiée à l'éducation,
les sœurs de la Congrégation Notre-Dame et qu'elle fut surnommée
« Mère de la colonie » à cause de son travail
d'institutrice et de son accueil des «Filles du Roi» dont elles
s'occupaient jusqu'à leur mariage. Elle fut canonisée en 1982 par
Jean-Paul II. Son premier miracle la concerna directement; alors âgée
de 80 ans, elle demanda à Dieu d'échanger sa vie contre celle d'une
jeune sœur à l'article de la mort, voeu qui fut exaucé. Le
lendemain, la jeune sœur était miraculeusement guérie et
Marguerite prise d'une fièvre qui la terrassa 12 jours plus tard.
Sur
une note plus contemporaine, Troyes compte sur une industrie du
textile très florissante. La commune est la capitale européenne des
magasins d'usine grâce à trois grands centres commerciaux qui
regroupent de nombreux magasins de type «outlet». Nous avons pu y
faire de bonnes affaires et renouveler un peu notre garde-robe...
Troyes,
voilà qui termine bien cette dizaine de jours passés en Champagne,
une région qui gagnerait à être plus connue et visitée, vous y
serez les bienvenus, nous en sommes certains!